Colloque : La justice administrative dans les pays du maghreb

Page de présentation

Actes du colloque organisé à Sousse les 3, 4 et 5 novembre 2006.

Le système de justice administrative dans les pays du Maghreb repose sur l'existence de juridictions administratives séparées des juridictions judiciaires et compétentes pour trancher les litiges à caractère administratif.

L'adoption d'un tel système dit de dualité de juridictions, source de difficultés réelles dans la détermination du juge compétent et du droit applicable, ne va pas de soi. D'autre modèles plus simples sont, en effet, envisageables : il s'agit notamment des systèmes d'unité de juridiction dans lesquels un seul ordre de tribunaux est qualifié pour juger aussi bien les litiges à caractère administratif que les litiges privés.

L'option par les pays du Maghreb pour un système de justice administrative spécialisée est d'abord le produit de l'histoire, plus précisément celui du fait colonial. Auparavant, le despotisme des dynasties régnantes et l'arbitraire absolu qui caractérisaient l'exercice du pouvoir excluaient toute idée de soumission de l'administration au droit.

L'influence des modèles européens de justice administrative, plus particulièrement celui de la puissance coloniale a été, à cet égard, décisive : en Algérie, où l'expérience coloniale a été la plus poussée, l'influence du modèle français a été d'abord totale, pour finir par engendrer des phénomènes de rejet aux lendemains de l'indépendance ; en Tunisie, la situation spécifique du Protectorat, en ce qui concerne notamment les rapports avec l'Italie a donné lieu à une solution originale qui a évolué, cependant, après l'indépendance vers un système particulier de dualité de juridictions. La solution tunisienne originelle a été transposée, purement et simplement, au Maroc pendant le Protectorat. Elle est, cependant, supplantée à l'heure actuelle par un système plus proche de la dualité de juridictions.

Par delà les traits spécifiques qui marquent les expériences respectives de nos différents pays, l'influence des modèles européens de justice administrative spécialisée persiste en raison notamment des liens historiques et des affinités culturelles. Cette influence a tout d'abord conduit à la séparation des contentieux, ensuite à la création de véritables juridictions administratives exerçant des compétences juridictionnelles plus ou moins larges.

Quant au fond du droit, l'attrait des principes dégagés par les modèles de référence n'en est pas moins considérable.

Quelle que soit l'étendue des emprunts, la transposition n'a pas été totale. Bien mieux : on assiste aujourd'hui à des aménagements particuliers qui touchent les éléments les plus fondamentaux du système : le statut du juge administratif, la structure des juridictions administratives, leurs compétences, le mécanisme de règlement des conflits, les techniques de contrôle et les principes jurisprudentiels.

Quels sont les traits particuliers des différents systèmes de justice administrative applicables dans les pays du Maghreb ? L'existence d'un juge spécial issu de l'administration appliquant un droit spécial ne risque-t-elle pas de conduire à la reconnaissance d'un privilège de juridiction et, par delà , à l'application d'un droit d'exception contraire à la protection des droits et des libertés et à l'idée même de justice, fusse-t-elle administrative ? Le fonctionnement de la justice administrative dans les pays du Maghreb aujourd'hui est-il de nature à confirmer ou à infirmer ces craintes ?

Par ailleurs, quelle est la valeur pratique d'un tel système comparé aux systèmes en vigueur dans les autres pays ? En d'autres termes, la justice administrative dans les pays du Maghreb a- t-elle réalisé les adaptations nécessaires sans lesquelles il serait vain de parler d'une bonne administration de la justice garantissant qu’il soit dit, avec la célérité requise, en toute indépendance et impartialité, ce qu'il est juste de dire dans les litiges administratifs, tout en garantissant l'exécution de ses sentences ?

C'est à ces questions fondamentales que ce colloque a pour ambition de répondre.

Mohamed Ridha JENAYAH
Directeur de l’URDAS
Professeur à la Faculté de droit de Sousse